Ce post a d’abord été publié sur linuxfr, cette version a été complétée et enrichie.
Le contexte
J’ai un post sur ce blog qui explique comment enregistrer un film d’une box internet sur son PC car pour beaucoup de box ce n’est pas natif et il n’est pas prévu que ça soit possible. Il se trouve qu’on me fait régulièrement la remarque comme quoi ce n’est pas légal. Au travers de ce post je souhaite donc faire un point sur la copie privée et ce post traduit ma compréhension du sujet.
Que dit la loi ?
Ce qu’on appelle l’exception de copie privée est apparue dans la loi n°57-298 du 11 mars 1957. L’article 41 nous dit que l’auteur ne peut interdire « Les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective ». Depuis cette loi a été abrogée mais cette disposition a été codifiée dans le Code de la Propriété Intellectuelle à l’article L122-5-2, l’auteur ne peut interdire « Les copies ou reproductions réalisées à partir d’une source licite et strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective ». On la retrouve également dans l’article L211-3-2 pour les droits voisins du même code.
C’est à ce titre qu’on pouvait copier des films sur magnétoscope et de la musique sur K7 audio pour les plus anciens qui ont connu cette époque. A vrai dire les choses n’ont pas évoluer même si les moyens techniques de diffusion et d’enregistrement ont beaucoup évolué depuis. D’ailleurs c’est bien au titre de l’exception de copie privée qu’une redevance est prélevée pour les disques durs, mémoire, CD, vidéo K7, mais également smartphone, ordinateurs, box internet, etc. Redevance qui sert ensuite à rémunérer les ayants droits (75%) et financer des actions culturelles (25%) comme l’explique ce site consacré à la copie privée. La rémunération pour copie privée fait l’objet des articles L311-1 à L311-8 du Code de la Propriété Intellectuelle qui précisent bien que la copie privée conduit à la mise en place d’une redevance forfaitaire à l’achat qui dépend du support, de la durée et de sa capacité d’enregistrement.
Par ailleurs la directive européenne 2001/29/CE du 22 mai 2001 (modifiée par la directive 2019/790) via l’alinéa 7 de la directive 2019/790 confirme la possibilité de mettre en place des protections pour garantir l’exercice effectif des droits d’auteur mais « tout en veillant à ce que l’utilisation de mesures techniques n’empêche pas les bénéficiaires de jouir des exceptions et limitations prévues par la présente directive ». En clair, cette directive oblige les États membres à prendre les mesures appropriées pour garantir le bénéfice de certaines exceptions dont la copie privée.
Concrètement la transposition dans le droit français de cette directive dans le Code de la Propriété Intellectuelle (article L331-31) a donné comme mission (entre autres) à la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) de veiller « à ce que la mise en œuvre des mesures techniques de protection n’ait pas pour effet de priver les bénéficiaires des exceptions ». Cela comprend bien évidemment l’exception pour copie privée et on peut en conclure que sur la base de cet article l’HADOPI pourrait interdire les éditeurs et distributeurs de services à recourir à des moyens techniques limitant la copie.
Que dit la jurisprudence ?
Mais les choses ne sont malheureusement pas si simples, il existe une subtilité d’ordre juridique qui a son importance. La copie privée reste une exception légale et n’est pas un droit. En d’autres termes vous ne pouvez pas être poursuivi pour avoir copié un film pour un usage privé en restant dans le cadre de la loi, mais vous ne pouvez pas invoquer cette exception pour poursuivre un distributeur ou un producteur si vous ne parvenez pas à copier un film.
A ce sujet la jurisprudence a parfaitement complété la loi au travers de l’affaire “Mulholland drive”. C’est l’histoire d’un mec qui avec l’appui de l’association de défense des consommateurs UFC Que choisir, s’est plaint auprès de la justice qu’il ne pouvait pas copier le DVD du film “Mulholland drive” en invoquant l’exception de copie privé. L’affaire a connu de multiples rebondissements avec un premier arrêt du 30 avril 2004 par le tribunal de première instance de Paris qui a donné d’abord tort au plaignant qui a interjeté appel de ce jugement. La cour d’appel de Paris dans son arrêt du 22 avril 2005 a cette fois-ci donné raison au plaignant. La cour de cassation a ensuite été saisie et a cassé le jugement dans son arrêt du 28 février 2006. Retour à la cour d’appel de Paris qui dans son arrêt du 4 avril 2007 a débouté cette fois-ci le plaignant qui pourvoit en cassation. La cour de cassation rend un jugement définitif avec son arrêt du 19 juin 2008 et déclare la requête irrecevable et confirme ainsi que la copie privée n’est qu’une exception et ne peut être considérée comme un droit.
Pour résumer
Moralité cette jurisprudence réduit drastiquement le champ d’application de la copie privée. Alors certes les gendarmes ne viendront pas fracasser votre porte à 6h du mat’ parce que vous avez copié « les bronzés » de votre box ou d’un DVD mais il n’existe pas de recours juridique si vous n’y parvenez pas.
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