Disparition de France ô

Dans l’indifférence quasi générale la chaîne consacrée à l’outre mer France Ô a disparu. C’était la seule vitrine de l’outre mer sur la TNT et sans doute de toutes les chaînes accessibles sur les différents bouquets de chaînes. On lui reproche sa faible audience, mais dans ce cas pourquoi supprimer France Ô et pas toutes les régionales de France 3 qui font exactement les mêmes chiffres d’audience !?

C’est une illustration supplémentaire du manque de considération de l’outre-mer en particulier par les pouvoirs publics. Pire encore c’est le reflet d’un inconscient collectif qui considère les outre-mer et leurs habitants comme des citoyens de seconde zone. Ces derniers subissent, de fait, une discrimination plus ou moins affichée en métropole. Le défenseur des droits Dominique Baudis l’a confirmé lors d’une audition en 2013 devant la délégation Sénatoriale à l’outre-mer. Cette discrimination est particulièrement sensible dans l’accès au logement, au crédit ou à l’emploi. Autre illustration de ces préjugés, il est malheureux de constater que quand un département métropolitain coûte plus qu’il ne rapporte à la richesse nationale on va parler de « solidarité nationale » alors que dans le cas de départements d’outre-mer on va parler d’assistanat au sens péjoratif du terme. Il existe ainsi un courant de pensée largement partagé considérant que les outre-mer coûtent cher et sont un poids dont la métropole devrait se défaire. Pourtant en 2013 le budget total pour l’outre-mer était autour de 22,4 milliards d’euros, rapporté aux quelques 1000 milliards de dépense de l’État, cela représente 2,2% du total pour 4% de la population totale française. La Fédération des Entreprises d’Outre-mer a montré que la Réunion recevait 5% de moins que la moyenne nationale par habitant. Par ailleurs, les dépenses d’investissement par habitant y sont inférieures d’un tiers par rapport à la métropole comme le souligne Victorin Lurel auteur du rapport au premier ministre sur l’égalité réelle outre-mer.

Pour en revenir à la disparition de France Ô, pour pallier à sa disparition, les ministères de l’outre-mer et de la culture ont sorti un pacte pour la visibilité des outre-mer qui liste 25 engagements pour garantir la visibilité des outre-mer au centre de l’offre de l’audiovisuel public et ont lancé un portail numérique. Malheureusement on peut douter de la valeur contractuelle de ces engagements, ce rapport a été signé il y a maintenant plus d’un an, la chaîne a disparu depuis plusieurs semaines et je n’ai pas repéré dans la grille des programmes un seul programme consacré aux outre-mer sur les chaînes publiques, et ce n’est pas le bulletin météo des îles qui va compenser, parce que personnellement la météo du jour à la Réunion je m’en moque un peu. On oublie pourtant que France Ô était le deuxième diffuseur de documentaires et dans le lot on trouvait d’excellents reportages dont la trace a totalement disparu du replay de FranceTV aussitôt la chaîne supprimée. La plupart vont tomber malheureusement aux oubliettes, heureusement quelques rares documentaires peuvent encore se trouver sur youtube.

Dans le lot, on peut trouver le scandale des enfants réunionnais arrachés à leur famille et exilés manu militari dans la Creuse.

Ou bien encore l’histoire oubliée des femmes envoyées au bagne en Guyane ou en Nouvelle Calédonie.

Il en reste pas moins que la disparition de France Ô est une perte inestimable pour ceux qui s’intéressent un tant soit peu aux outre-mer et ça ne va pas vraiment dans le sens du combat contre les préjugés tenaces qui existent au sein de la population métropolitaine sur les outre-mer et leurs habitants.

Une réflexion sur « Disparition de France ô »

  1. Bonjour Olivier

    Vous êtes le premier internaute, informaticien obédience Logiciels Libres à parler de ce sujet hautement scandaleux. Natif d’outre-mer (il n’y avait pas que des îles à une lointaine époque) et nostalgique infini de la Grande Île je ne peux que déplorer le désintérêt, si ce n’est le mépris de la Métropole et de nombres de métropolitains pour ces contrées lointaines qui offre en grande partie à la France la seconde superficie maritime du monde.

    Quand à la qualité des programmes, certes assez éloignée d’ARTE ils n’avaient rien à envier à la majorité de ceux de la Une, la 2, la 3, la 6 et consorts…
    Désormais les Ultra-Marins de Métropole sont privés des journaux télévisés de leur territoire d’origine et les métropolitains curieux ne pourront pas suivre les méfaits des sargasses, des désastres provoqués par le prochains ouragans ou de la chlordécone sur les plantations, de l’effort fait par chacun pour offrir des vacances ensoleillées en plein hivernasse aux cadres en mal de sécurité, etc.

    Il n’y aura plus qu’épisodiquement (tous les 10 ans), sur une chaîne nationale, une émission pour nous rappeler qu’un ancien premier ministre, ministre de l’intérieur et de l’Outre Mer avait mis en place un plan maléfique au doux nom de Bumidom… Pour nous rappeler la charge héroïque et meurtrière des CRS en 1967 sur les manifestants Guadeloupéens.

    Nous ne pourrons plus suivre aussi le Tour de la Martinique en Yole ronde ni les extraordinaires courses de Va’aa en Polynésie (française).
    Il nous reste toujours la possibilité d’écouter Dédé Saint-Prix, Jocelyne Bérouar et l’extraordinaire Danyel Waro qui non seulement éveille les consciences par ses textes et sa musique mais qui a aussi participé à la Diagonale des fous 7 fois (je crois) dont 3 en sandales à 2 doigts (les fameuses tongs) et pas dans ses plus jeunes années. Et qui AMHA ne passait pas assez souvent sur France Ô.

    On trouvera toujours une émission pour nous parler de Brel ou de Gauguin mais quid du fameux Waterman Raimana Van Bastolaer.
    (https://www.youtube.com/watch?v=4RknIQcPAg0). Au delà du cliché paradisiaque il est bon de rappeler que Raimana est un membre éminent de la confrérie mondiale des Watermen (sortes de pompiers de la mer) mais aussi un éducateur de premier plan pour tous les petits tahitiens interéressés par les activités nautiques. C’était sur France Ô.

    Quand au prochain Daniel Maximin il faudra interroger son libraire favori si tant et si bien qu’il se trouve une libraire de quartier…

    Malgré une pétition de 150 chercheurs, intellectuels et autres sachants dans le journal le Monde, France Ô a éteint les lumières le 24 août 2020.
    Quelle misère. Quel mépris.

Laisser un commentaire